Yochai Benkler : les coopératives ont à apprendre du mouvement des communs

01 Dec 2015

Yochai Benkler étudie les communs et la coopération depuis plus de 20 ans. Lors de la Conférence mondiale de l’Alliance à Antalya, il a abordé la manière  dont la production de pair à pair peut être reliée à la réalité des coopératives.

Le professeur Benkler enseigne à la Faculté de droit de Harvard, et a commencé à s’intéresser à Wikipédia alors que le site n’avait encore que six mois. Le mouvement coopératif ne lui est pas étranger, puisqu’il a été membre et trésorier du kibboutz  de Shizafon, une communauté coopérative en Israël.  

Il a expliqué comment la montée du mouvement pour la culture libre s’était appuyée sur l’idée selon laquelle il est possible de produire des richesses partagées en l’absence de droits d’auteur exclusifs.  

Le modèle d’analyse de l’acteur rationnel a tendance à supposer que les gens ne coopèrent pas ; or, en réalité, les gens aspirent à coopérer, a assuré Yochai Benkler.

« On ne peut détacher les marchés du contexte social dans lequel ils évoluent », a-t-il déclaré.

« La coopération dans les communs peut-elle mener au coopérativisme dans l’espace marchand »? a-t-il demandé aux délégués. Il poursuivit en décrivant l’apparition d'une nouvelle famille d’entreprises, à laquelle appartiennent Uber, Upwork et TaskRabbit. « Comment construire le coopérativisme de façon à ce qu’Uber appartienne aux chauffeurs? » a-t-il demandé.  

Couchsurfing se voit aujourd’hui menacé par AirBnB, qui prévoit 10 milliards de dollars de recettes en 2020. « Nous devons ramener l’idée de partage et de coopération dans le marché de la distribution, où les gens sont étrangers les uns aux autres », a plaidé Yochai Benkler. 

Les logiciels libres sont un autre domaine dans lequel les coopératives pourraient être plus actives. Selon le professeur Benkler, la majeure partie des revenus des développeurs de logiciels ne provient pas du logiciel en lui-même, mais des services de soutien et des connaissances liés au logiciel. Les professionnels pourraient former des coopératives de travailleurs afin d’apporter ce soutien. 

Les coopératives ont également à apprendre des productions basées sur des communs en termes d’engagement. La gouvernance ne doit pas seulement impliquer la démocratie représentative, a-t-il poursuivi, mais aussi un véritable engagement, qui est très présent dans les pratiques en ligne. « Il existe de nombreuses plateformes en ligne qui tentent d’obtenir cet engagement, et pas non simplement une participation tous les quatre ans ; ces entreprises sont par conséquent autrement plus participatives », a-t-il ajouté. 

La Zooz se pose comme une alternative à Uber : il s’agit d’une tentative de mettre en œuvre un partage des moyens de transports en temps réel, mais sans société ou serveur central, en utilisant une technologie semblable à celle de Bitcoin. Les chauffeurs gagnent des jetons zooz en conduisant lorsqu’ils installent une application sur leur smartphone ; ils peuvent ensuite utiliser ces jetons pour se faire emmener. Les coopératives pourraient songer à de tels modèles, a déclaré le professeur Benkler.  « Le moment est venu pour vous d’enseigner ce que vous savez », a-t-il suggéré aux délégués. 

« Ce serait merveilleux si Wikipédia et le mouvement coopératif se muaient en force de transformation à même d’intégrer la production dans la coopération sociale, en construisant un monde où la croissance est durable et répond aux besoins de l’humanité », a-t-il conclu. 

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