Entrevue avec Ariel Guarco, le nouveau Président élu de l’Alliance Coopérative Internationale

18 Dec 2017

Suite à son élection lors de l'Assemblée générale de Kuala Lumpur, Ariel Guarco, président de l'Alliance Coopérative Internationale (ACI), a accordé un entretien à l'équipe du e-Bulletin. Il a abordé les principaux thèmes qui ont marqué la Conférence, ainsi que les défis et les perspectives à venir pour l'ACI. Il a par ailleurs évoqué la contribution des coopératives pour résoudre les problèmes d'ordre mondial.

Vous avez été élu président de l’Alliance Coopérative Internationale lors de l’Assemblée générale en Malaisie. Quels sont les thèmes clés qui se sont dégagés de la Conférence ?

Ariel Guarco : La Conférence avait un axe clair, à savoir le devoir des personnes coopératrices de continuer à placer les personnes au cœur du développement, à une ère où l’innovation technologique et la concentration de la richesse, ajoutées aux menaces contre la paix et aux constantes catastrophes climatiques, mettent à mal la stabilité au niveau mondial.

Pour réaliser cet objectif, il est fondamental de continuer à promouvoir l’intégration, et je pense qu’à Kuala Lumpur des échanges précieux ont eu lieu entre les secteurs à cet égard. Il y a eu des débats importants sur la manière dont nous devons envisager ce que l’on appelle l’économie collaborative ainsi que sur la contribution que nous apporterons à la démocratisation des plateformes technologiques qui régissent l’économie mondiale aujourd’hui.

Nous avons également mis à jour les statistiques et nous savons que nous sommes désormais 1,217 milliard de personnes adhérentes à 2,94 millions de coopératives. Toutefois, nous devons renforcer l’identité qui a émergé avec les pionniers de Rochdale, car nos valeurs n’ont pas changé et il est primordial de les mettre en action maintenant.

Enfin, il convient de mettre en exergue un point abordé par Gro Harlem Brundtland concernant le développement durable, dans un monde marqué par des inégalités et des difficultés profondes qui requièrent des efforts immédiats. Il nous a interpelés à l’égard des droits de l’homme et de la nécessité de réfléchir de façon plus holistique.

Un milliard de personnes dans le monde sont des personnes coopératrices : comment les intégrer dans le développement de l’Alliance Coopérative Internationale ?

Ariel Guarco : L’Alliance Coopérative Internationale doit centrer une grande partie de ses efforts sur l’amélioration des canaux de participation de tous ses adhérents, qu’elle doit de fait appuyer afin qu’ils renforcent leur action dans chaque territoire et qu’ils s’intègrent. Si nous parvenons à nous approprier la communication de notre message coopératif, nous arriverons à toucher de plus en plus de personnes, toutefois, la meilleure communication est de montrer une force économique et institutionnelle, d’offrir des services et des produits de qualité et d’être ouverts au dialogue avec le reste de la société. Cette tâche est fondamentale si nous voulons un mouvement coopératif ouvert, qui mette en valeur le parcours réalisé par ses organisations de base, qui accueille de nouvelles expériences, qui tisse des liens avec d’autres acteurs de la société dont l’activité est guidée par des valeurs et des principes semblables aux nôtres.

Si l’on prend du recul par rapport aux dernières années, comment les coopératives peuvent-elles offrir une stabilité dans un monde confronté aux changements économiques, politiques et démographiques ?

Ariel Guarco : Comme l’expliquent plusieurs études et rapports élaborés par notre mouvement et par des organismes internationaux, les coopératives, par rapport à d’autres modèles d’entreprises, sont plus résilientes face aux crises systémiques qui frappent les économies de façon récurrente. Parmi les diverses particularités de l’emploi coopératif, précisons qu’il favorise notamment un sentiment d’identification et d’appartenance, et qu’il offre la même, voire une meilleure, stabilité de l’emploi. Fondées sur des principes et des valeurs, les coopératives peuvent offrir des solutions durables dans le temps, car elles placent les personnes et leur bien-être au centre, aussi bien dans des situations favorables que dans des situations de crise. Le développement économique coopératif et la quête de formes de production et d’échange efficaces, fondées sur la coopération, ne recherchent pas une accumulation illimitée de la richesse, mais l’amélioration des conditions de vie de l’ensemble de la population et la protection de l’environnement. Les actions et l’expression du mouvement coopératif en faveur de la paix, de l’inclusion sociale de toutes les personnes et de la démocratisation des différentes sphères de la vie, de la culture et des ressources économiques sont évidentes.

Comment les coopératives parviennent-elles à être au cœur des débats d’idées des organisations internationales et des gouvernements et à démontrer la façon dont elles contribuent concrètement aux enjeux actuels comme l’environnement, la paix, l’égalité hommes-femmes, les inégalités, l’emploi... ?

Ariel Guarco : Il est nécessaire de continuer et de renforcer l’influence du mouvement coopératif à l’échelle mondiale, en engageant le dialogue avec des organismes internationaux à la fois du secteur public et du secteur privé. Nous savons que notre manière de fonctionner est différente, comme je l’ai expliqué dans la réponse précédente. Cela signifie que nous pouvons apporter des concepts et des outils pratiques aux organisations et aux gouvernements afin de réduire les inégalités, de créer des emplois décents, de construire une parité hommes-femmes, de protéger l’environnement et d’assurer la paix, entre autres.

Coopération entre les coopératives : comment peut-on renforcer l’intercoopération pour améliorer les produits et les services offerts par les coopératives ?

Ariel Guarco : De plus en plus de personnes sont soucieuses du développement durable de notre planète et de la qualité des aliments que nous consommons. De même, la conviction du besoin de changer notre façon de produire et de consommer ne cesse de grandir. Ce changement demande de mettre en place des modèles d’entreprise qui répondent aux nouvelles priorités et aux besoins de la population. Les coopératives se trouvent dans une position idéale pour apporter une réponse, à condition de savoir saisir les opportunités offertes par l’intercoopération. Pour garantir un produit ou un service respectueux de l’environnement et bon pour la santé, il faut mettre en place des chaînes de production et de consommation avec une responsabilité sociale. Et c’est là que doivent intervenir les coopératives, en garantissant un modèle durable à partir de l’intégration des consommateurs, des travailleurs et des producteurs. Il ne s’agit pas seulement d’intercoopérer pour baisser les coûts. Il s’agit d’intercoopérer pour pouvoir répondre à l’engagement envers l’avenir de notre planète.

Quels sont les principaux obstacles pour l’ACI à l’avenir, et comment envisagez-vous de les aborder pendant votre mandat en tant que président ?

Ariel Guarco : Je préfère penser en termes de possibilités plutôt que d’obstacles. J’invite toujours à vivre dans la joie et l’enthousiasme la possibilité de travailler dans un mouvement qui, de par sa capacité à construire une économie au service de la communauté, peut changer le cap qui conduit à l’exclusion et à la dégradation de l’environnement, produit de la concentration économique et l’appât démesuré du gain. C’est cet enthousiasme qui nous permettra de mobiliser le mouvement coopératif dans le cadre d’une action mondiale qui placera au premier plan la réalisation des objectifs de développement durable fixé par l’Organisation des Nations Unies. Pour ce, il va falloir renouveler et élargir les mécanismes de participation de l’ensemble du mouvement qui convergent au sein de l’ACI. Chaque personne coopératrice doit sentir que, là où il se trouve, il contribue à la construction d’une autre économie, et que l’ACI fait tout son possible pour que son effort fasse partie intégrante d’un projet commun.

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