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Interview : Shaun Tarbuck

15 Jul 2015

« Dans 90 % des pays développés, nous disposons d'une loi sur les mutuelles et les coopératives. Mais dans 55 % des pays émergents, ce n'est pas le cas », affirme Shaun Tarbuck, directeur général de la Fédération internationale des coopératives et mutuelles d'assurance (International Cooperative & Mutual Insurance Federation, ICMIF). « Pourquoi permettons-nous que certains pays émergents n'aient pas accès à notre forme d'assurance, qui selon nous est la meilleure, de la même manière que les pays développés ? Cela semble très injuste. »

M Tarbuck s’exprimera sur les cadres légaux (un domaine de recherche dans lequel l'ICMIF est activement impliqué) lors de la  Conférence mondiale de l'Alliance à Antalya en Turquie, en octobre 2015.

« Ce mois-ci, un rapport a été publié par le Cambridge Institute for Sustainability Leadership (CISL) sur la réglementation des assurances pour le développement durable », dit-il.

« Dr, Ana Gonzalez Pelaez (membre, CISL) et Dr Sebastian von Dahlen (président, G-AWG, Association internationale des contrôleurs d'assurance), deux personnalités très respectées dans le monde universitaire et dans le monde des affaires, ont rédigé un excellent document qui montre qu'une bonne réglementation peut dynamiser l'assurance communautaire pour protéger les vies et les moyens d'existence.

« Aux Philippines, par exemple, CARD MBA assure près de 11 millions de personnes (8,25 % de la population), dont la majorité vit en-dessous du seuil de pauvreté. En 2013, à cause du typhon Haiyan, ils ont perdu 36 % de leurs effectifs. Et pourtant, ils ont aisément payé toutes les déclarations de sinistres en cinq jours, dont 95 % en une seule journée. Cette pratique a été rendue possible parce que, au cours des vingt dernières années, l’organisme de réglementation a encouragé le développement d’une assurance communautaire. »

Toutefois, il reconnaît que certaines règles peuvent devenir des obstacles : « La Chine et l'Inde ont récemment mis en place un droit de l'assurance mutuelle, avec des droits d’entrée de 10 millions de dollars américains en capital. Selon moi, cette barrière est beaucoup trop haute. Aucune communauté composée d'une population pauvre ou qui lutte au quotidien pour vivre décemment ne peut payer des frais initiaux de 10 millions de dollars. »

Une bonne gouvernance est étroitement liée à une bonne réglementation, selon M. Tarbuck, qui fait aussi partie du comité qui travaille sur le document de gouvernance de l'Alliance. Il y a 10 ans, l'Association of Mutual Insurers (association des assureurs mutuels) du Royaume-Uni (dont il faisait partie) a publié le Code combiné et annoté des assureurs mutuels, qui a amélioré la pertinence, les compétences de gouvernance et l'engagement des membres de ce secteur, et a servi de moteur pour doubler la part de marché de l'industrie en quatre ans, de 4 % à 8 %.

« L'ICMIC a pour projet, l'année prochaine, de réviser ce code pour le Royaume-Uni et d’en faire ses pratiques exemplaires que nous sanctionnerons ensuite à l'échelle internationale », explique M. Tarbuck. « En janvier, une importante réglementation (Solvency II) va également toucher tous les pays européens, dont le prélude était le rapport Sharma de 2002. » Paul Sharma, un régulateur britannique, a fait des recherches sur les faillites des compagnies d'assurances européennes au cours de la décennie passée. Selon son rapport, la trentaine de faillites est due à une mauvaise gestion et à une mauvaise gouvernance, et aucune d'entre elles n'était mutuelle.

« En tant que secteur, il nous faut riposter. Nous disposons de fantastiques modèles de gouvernance issus du monde entier, et de nombreux membres de l'ICMIF sont très engagés auprès de leur propres membres, avec une bonne structure en place pour les nominations aux conseils d'administration au travers du rôle de membre ; NFU Mutual est un excellent exemple. En 1999, NFU Mutual a changé sa structure : d'un comité de direction composé exclusivement d'agriculteurs, l'organisation est devenue un comité de direction composé d'une majorité d'agriculteurs, mais qui inclut également l'expertise dont elle a besoin pour gérer une société d’assurance complexe.

M. Tarbuck est aussi enthousiaste au sujet des conclusions potentielles du Sommet B20, qui aura lieu à Antalya en novembre, immédiatement après la Conférence mondiale de l'Alliance et l'assemblée générale. Il est membre d'un groupe de travail du B20 sur le financement de la croissance.

« L'Alliance et l'ICMIF accomplissent un immense travail en matière d'influence et de lobbying, mais nous faisons aussi beaucoup avec l'ONU, l'OCDE, le forum économique mondial... Les choses changent de jour en jour dans ce domaine. Nous comptons déjà de fantastiques histoires et réussites. Par exemple, le secteur des assurances est maintenant mentionné en tant que sous-groupe distinct au B20. Je sais qu'il s'agit d'assurances, mais devinez qui sera à la tête du groupe de travail ? Moi. L'assurance mutuelle ouvre la voie. »

** Nous discuterons avec Shaun Tarbuck de ses objectifs pour le B20 plus tard ce mois-ci

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