J'ai récemment pris part aux célébrations du 25ème anniversaire de l'institut national dénommé Institute of Rural Banking (NIRB). J'ai alors partagé la scène avec des dirigeants des secteurs bancaires et des coopératives bancaires, dont M. R. Gandhi, sous-gouverneur de la Banque centrale indienne (Reserve Bank of India, RBI) et Dr. R. Vishwanathan, National Institute of Rural Banking (NIRB).
Dans son discours inaugural, M. R. Gandhi a reconnu le rôle que jouent les banques coopératives pour l'inclusion financière et la prise en charge des besoins bancaires et de crédit des classes inférieures et des classes moyennes de la société. Il évoque également le déclin du caractère coopératif des banques et cite une étude menée par le College of Agricultural Banking de Pune. La recherche met en avant la faible participation aux assemblées générales annuelles, les pratiques restrictives pour l'admission de nouveaux membres, le faible nombre de votes pour l'élection des nouveaux directeurs, la réélection des mêmes directeurs ou des membres de leur famille, les élections unanimes et le manque de discussions significatives lors des assemblées générales. Il observe également que les coopératives, surtout les banques coopératives urbaines, sont en train de perdre leur caractère coopératif et que certaines d'entre elles sont devenues « trop grandes pour être des coopératives ». Ce qui m'amène à penser : si les grandes banques sont trop grandes pour échouer, est-ce que les banques coopératives sont trop grandes pour être des coopératives ?
La notion « trop grande pour échouer » est apparue suite à la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, à l’origine de la crise financière. L'argent des contribuables fut alors nécessaire pour empêcher l'effondrement total du système financier.
À la lumière de ce qui précède, que signifie « trop grande pour échouer » dans le monde des banques coopératives ? La réponse à cette question se trouve dans un document de recherche publié par l'Association européenne des banques coopératives, « Les banques européennes et coopératives face aux difficultés financières et économiques : premières évaluations. » Ce rapport définit cinq caractéristiques du modèle bancaire coopératif européen qui ont contribué à sa résilience. Ces caractéristiques sont : une solide capitalisation, un modèle d’entreprise qui donne la priorité aux membres et aux clients, un comportement anti-cyclique intégré, des mécanismes de contrôle ascendant rigoureux et un modèle de gouvernance démocratique. Dans le cadre du comportement anti-cyclique, on trouve un mécanisme distinct qui a non seulement donné aux banques coopératives les ressources nécessaires pour faire face aux chocs systémiques du marché, mais a aussi apporté une résilience à l'industrie financière dans son ensemble en périodes de crise financière : le système de garanties réciproques internes ou l'accord de protection institutionnel. Ces accords, qui font partie intégrante de presque tous les réseaux coopératifs européens, exigent de chaque banque coopérative indépendante qu'elle garantisse les dépôts de tous les membres de son réseau, fournissant ainsi une protection supplémentaire aux déposants en cas de faillite d'une seule banque. En effet, l'interdépendance entre les membres des coopératives et les clients des coopératives, et entre les banques coopératives indépendantes, donne un nouveau sens au phénomène « trop grande pour échouer ».
Avec la croissance des activités, la politisation du secteur a pris de l’ampleur, même si les banques coopératives urbaines sont réglementées et supervisées à la fois par les gouvernements d'État, au moyen des Bureaux d'enregistrement des sociétés coopératives, et par la Banque centrale indienne. En 2005, l'autorité bancaire a cessé d'octroyer de nouvelles licences aux banques coopératives urbaines, et a depuis révoqué de nombreuses licences.
M. Gandhi a déclaré très clairement quels sont les maux qui affectent les banques coopératives : la réticence à s'adapter aux nouvelles technologies, le déclin du caractère coopératif, le manque de professionnalisme et le manque de gouvernance d'entreprise dans les institutions coopératives. Il a évoqué les politiques (coefficient de réserves de trésorerie, ratio de réserves obligatoires, normes prudentielles, normes BALES III) sans pour autant mentionner les gens et la politique. Dans les coopératives, les gens sont au cœur de l’entreprise, et la politique à la périphérie : mais en réalité, la situation s’est inversée.
Les recours proposés par la RBI n'incluent pas la responsabilisation des gens à travers la transparence de l'information, l'éducation au sujet de leurs droits, la communication au sujet des risques et du travail, et ces recours ne cherchent pas non plus à rendre les dirigeants et administrateurs responsables devant leurs membres, ou à développer des systèmes de notation permettant aux banques coopératives de mieux informer leurs membres. Les maux qui affectent les banques coopératives ont été correctement diagnostiqués ; pourtant les traitements proposés ne sont pas suffisants et pourraient bien tuer les coopératives, bonnes ou mauvaises.
L'ICBA, une organisation sectorielle de l'ICA, a pris part à une table ronde à Mumbai, en avril. L'ICBA et la National Federation of State Cooperative Banks Limited (NAFSCOB) examineront les problèmes qui empêchent les banques coopératives d'atteindre leur plein potentiel, et les porteront à l'attention de la RBI, de NANARD et des décideurs politiques lors d'un événement prévu pour 2016.
Je souhaiterais terminer en citant M. Gandhi, qui affirme, juste après le passage « trop grandes pour être des coopératives », que « pour préserver l'esprit démocratique, les institutions elles-mêmes doivent mettre en place des mesures urgentes afin de maintenir la pertinence des coopératives pour leurs membres ». J'ajouterais que la RBI et NABARD doivent se considérer comme des institutions clés pour maintenir les banques coopératives.
Balu Iyer est le directeur régional de l'Alliance coopérative internationale pour la région Asie-Pacifique