Des petits villages à une entreprise globale, l'Inde inspire

01 May 2013

Suite à un voyage effectué en Inde le mois dernier, la Présidente de l'ACI, Dame Pauline Green, évoque la signification des coopératives dans le pays ainsi que la manière dont l'une des plus importantes mise sur l'influence du coopérateur et réformateur social Robert Owen . . .

Aujourd'hui, l'Inde s'habitue à être plus qu'un simple pays "en développement" car son économie continue à se développer à des taux bien plus élevés que ceux des économies occidentales développées — on note une moyenne de 7,6% entre 2002 et 2007 et de 8,2% durant les quatre années de 2007 à 2011.

Qu'en est-il donc de cet important secteur coopératif ?

Grâce à son statut de plus grand pays coopératif en termes de coopératives primaires, qui s'élèvent à un peu plus de 610.000 avec 98% de villages indiens comptant des coopératives actives dans de nombreux secteurs économiques, le mouvement indien représente un quart du milliard de coopératives dans le monde !

Une visite de trois jours ne permet pas de comprendre réellement ce qu'il représente pour l'avenir de la coopération dans ce pays vaste, fourmillant, dynamique et jeune qui commence à s'orienter vers un meilleur avenir.

Le point de départ de ma visite fut l'ACI qui dispose d'un bureau Asie Pacifique à New Delhi depuis plus de 50 ans. Son objectif principal consistait à identifier l'influence croissante de la gestion politique et économique indienne au sein de l'économie mondiale ainsi que le rôle de dirigeant joué par le mouvement indien de coopératives visant à développer son rôle de représentation, non seulement pour son travail traditionnel au nom des coopératives indiennes mais surtout, aujourd'hui, sur des questions d'importance mondiales.

La visite du bureau représentait également une occasion rare et précieuse de rencontrer le personnel du bureau de New Delhi et j'ai pu observer la manière dont une partie importante des archives historiques de l'ACI (récemment transférées de Genève) sont désormais hébergées et répertoriées dans la bibliothèque. Enfin, le répertoire sera rendu accessible aux chercheurs du monde entier alors que nous tentons autant que possible de les numériser.

Ces dix dernières années, la Coopérative Indienne de Fertilisants Agricoles (IFFCO - Indian Farmers Fertiliser Cooperative) a énormément soutenu le travail de l'ACI et le mouvement international en particulier. Lancée en 1967 avec 59 membres, l'IFFCO compte aujourd'hui près de 40.000 coopératives primaires regroupant 55 millions d'agriculteurs et présente un chiffre d'affaires de plus de 4,5 milliards de dollars US en 2011-12. La plus grande entreprise de production de fertilisant en Inde possède aujourd'hui cinq importantes unités de fabrication dans le pays et investit considérablement dans la production de fertilisant à Dubaï, en Oman, en Jordanie, au Sénégal et, récemment, au Pérou et au Canada.

S'agit-il simplement d'une grosse entreprise ? Pas du tout.

J'ai été vraiment encouragée par l'objectif détaillé, planifié et complet de la direction et du personnel visant à essayer des initiatives liées à l'énergie traditionnelle lourde et au rejet des eaux usées et à faire baisser ces niveaux d'année en année. Cet effort s'accompagne simultanément de l'utilisation de fertilisants non-chimiques par ses agriculteurs grâce à sa campagne "Sauvez notre sol (Save Our Soil)". Bien que cette dernière n'ait été lancée que récemment, lors d'une réunion tenue par une coopérative primaire à laquelle j'assistais dans le village d'Isanpur Mota dans le Gujarat, il est apparu évident que les agriculteurs comprenaient parfaitement les problèmes et leur nécessité de protéger leur sol. De plus, ils se servaient de leur initiative collective pour aller plus loin et mettre en place un digesteur biologique et d'autres alternatives aux fertilisants organiques-mêmes. En outre, le Président de la coopérative m'a montré le bâtiment bientôt terminé qui deviendra un centre commercial destiné à attirer les biens de consommation au village. Il s'agit de coopération de base sous son meilleur aspect et elle m'a inspirée.

Un des moments les plus marquants fut la visite de la commune de l'IFFCO. J'ai été frappée par l'importante influence du travail réalisé par le New Lanark du réformateur social Robert Owen alors que j'observais les maisons construites pour héberger les travailleurs sur le site de fabrication original à Kalol, au Gujarat, à environ quatre kilomètres de là. Accessoirement, ces travailleurs issus de la main d’œuvre croissante qui ne peuvent pas être hébergés actuellement par l'IFFCO reçoivent une allocation de logement de 25% (du salaire) afin de trouver un foyer décent dans les alentours. La commune disposait d'un centre commercial, d'une unité hospitalière composée de quatre lits et employant des médecins et des infirmières présents tous les jours, une école, différentes zones de jeu et de loisirs, un bureau de poste et une banque, un petit temple hindou pour les fidèles et une petite installation où les membres pensionnés d'une famille peuvent se rencontrer afin d'éviter la solitude et l'aliénation. Les trois hommes présents lors de ma visite m'ont expliqué que le Directeur général du site venait les voir environ tous les quinze jours pour discuter et prendre de leurs nouvelles.

Ce cas est-il isolé et construit alors que la coopérative était un phénomène neuf dans les années 1970 et a débuté comme un rêve idéaliste ?

Non, les mêmes dispositions ont été suivies pour les cinq unités de fabrication — de la même manière que chaque étage du siège à New Delhi compte des vélos d'entraînement le long d'un couloir ! Lorsque vous parcourez les rues de l'Inde et observez l'absence de logements, la pauvreté et le dénuement qui doivent toujours être combattus, il est très facile de voir le caractère inhabituel de l'IFFCO et la raison pour laquelle les personnes sont si loyales et désireuses de réaliser de l'excellent travail.

Le dernier jour à New Delhi était un jour férié mais, malgré cela, l'Union Nationale des Coopératives de l'Inde (NCUI - National Cooperative Union of India), le membre national de longue date de l'ACI en Inde, a invité près de 70 personnes dont de nombreux membres de son conseil d'administration et les dirigeants de ses nombreuses fédérations coopératives d'État et secteurs d'activité, à venir s'entretenir avec moi et le Secrétaire de l'Agriculture et des Coopératives du gouvernement indien, M. Dilip Singh.

Le NCUI dispose d'un volet d'éducation et de formation considérable et fournit les principaux services propres à une association professionnelle à cet important mouvement. Il produisait l'excellent "Profil statistique du mouvement coopératif indien," duquel certaines des statistiques mentionnées dans ce petit article ont été tirées. Il s'agissait d'une occasion unique de passer quelques heures à écouter simplement leurs réalisations ainsi que leurs préoccupations. De toute évidence, ils savent qu'ils rencontreront de grands défis et de grandes opportunités durant les prochaines décennies. Ils s'inquiètent de la relation avec le gouvernement, d'une pauvre gouvernance, d'un manque croissant de connaissance de la valeur des coopératives, du besoin de conclure davantage d'affaires de coopérative à coopérative et de la possibilité de financer le développement — tout cela vous semble très familier ? Ils peuvent être certains que ces points sont les problèmes globaux qui dominent le mouvement coopératif et qui nous ont amenés à nous rencontrer en 2012, l'Année internationale des coopératives, et à mettre en place un Plan d'action pour une décennie des coopératives.

Suis-je confiante dans le fait que le mouvement indien de coopératives continuera à se développer dans le nouvel ordre économique ? Oui, mais certains concepts fondamentaux devront être mis en place pour faciliter cette croissance car le besoin de changement se ressent de manière évidente — le plus important est la collaboration. Ils ont également souligné ce défi avec moi.

Le NCUI vient de négocier un changement novateur dans la loi indienne relative aux coopératives afin d'entériner le droit de créer une coopérative comme un droit fondamental des citoyens indiens. S'ils devaient tirer le meilleur parti de cette incroyable opportunité, alors la confrontation avec les intérêts concurrents de la souveraineté d'une coopérative individuelle et le besoin d'adopter une vision d'ensemble dans une économie intérieure croissante au sein d'un marché global deviendront primordiaux. Je suis convaincue qu'ils y parviendront.

— par Dame Pauline Green, Présidente, ACI.

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