Celebrating the UN International Year
of Cooperatives 2025

Construire un avenir coopératif grâce à l'évaluation de l'impact et des solutions axées sur le marché

27 Feb 2025

Dans un monde en rapide évolution, les coopératives peuvent exploiter la numérisation pour créer de nouvelles collaborations, des avantages économiques et commerciaux, des modèles économiques alternatifs et des opportunités de formation.

Ce sujet a été exploré lors de la quatrième séance plénière de la conférence mondiale de l'ACI à New Delhi, au cours de laquelle Cory Efram Doctorow, l’auteur à succès de The Internet Con: How to Seize the Means of Computation [L'arnaque d'Internet : Comment s'approprier les moyens du numérique] a prononcé le discours liminaire.

Discours en plénière

Doctorow a commencé par critiquer les plateformes pour ce qu'il a qualifié de déclin de la qualité des produits et services proposés, une tendance qu'il appelle « Enshittification ». [néologisme, en français c’est soit merdification ou emmerdification qui est employé].

Une fois les utilisateurs verrouillés sur la plateforme celle-ci peut abuser de leur dépendance, a-t-il soutenu.

« Ces plateformes étaient meilleures avant, aujourd’hui elles ont perdu en qualité. Elles ont toujours été des acteurs du numérique et ont toujours cherché à maximiser leurs profits » a-t-il déclaré, affirmant que les entreprises ne craignent plus la discipline du marché mais qu'elles pourraient craindre celle du régulateur.

Mais il y a aussi une bonne nouvelle : les gouvernements du monde entier s'intéressent de plus en plus au droit de la concurrence. Il a soutenu que les coopératives devraient être au cœur de cette réflexion. « Nous avons besoin d'un Internet de qualité, fondé sur les principes dont nous avons tant parlé ici » a-t-il déclaré.

Il a toutefois averti que les grandes coopératives peuvent parfois ne pas parvenir à s'engager auprès de leurs membres, citant l'exemple de la Mountain Equipment Cooperative (MEC) au Canada qui s'est démutualisée en conséquence.

« Nous ne devons pas seulement être des leaders du nouvel Internet mais aussi tirer la leçon suivante : quelle que soit votre compétence au démarrage, sans prudence, vous pourriez vous retrouver dans une situation difficile » a-t-il conclu.

Sonja's panel

Panel IV.A : Créer et mesurer l'impact des coopératives

La séance plénière s'est poursuivie par une discussion sur la mesure de l'impact comme moyen de plaider en faveur de cadres et de politiques coopératives.

Modérée par Sonja Novkovic, professeure d'économie et directrice académique du Centre international de gestion coopérative de l'Université Saint Mary's, au Canada, la session a accueilli les contributions de divers dirigeants de coopératives, de chercheurs et d’universitaires.

Le professeur Trebor Scholz, du Platform Cooperatives Consortium de New York, a présenté le Platform Cooperativism Consortium qui défend les coopératives de plateforme et dirige un institut de recherche axé sur l'intersection entre les coopératives et l'économie numérique. L'Institut a également dispensé des cours en collaboration avec l'Institut Mondragon à plus de 1 600 étudiants.

« Le changement systémique passe également par un engagement politique » a-t-il déclaré. Bien que l'Institut ne s’engage pas dans le plaidoyer, il fournit des études de cas et des recherches aux responsables politiques.

Tone Cecilie Faugli, PDG de Fairtrade Norvège, a partagé son expérience : elle a grandi dans une ferme sans savoir que sa famille appartenait à une coopérative.

L’élément le plus distinctif du commerce équitable est le prix minimum garanti aux agriculteurs.

« Les coopératives sont le cœur et l'âme du commerce équitable » a-t-elle déclaré. Elle a expliqué comment elles rassemblent les petits producteurs en groupes, ce qui offre une plateforme de dialogue constructif et permet à Fairtrade de soutenir les producteurs et de dispenser des formations par l'intermédiaire des coopératives.

Les coopératives permettent également aux petits producteurs d'accéder aux ressources et à la formation, de réduire leurs coûts et de se conformer aux réglementations. De plus, la prime Fairtrade est réinvestie dans les coopératives.

« Les coopératives sont importantes pour Fairtrade et Fairtrade est important pour les coopératives » a-t-elle déclaré.

Selon Faugli, le principal défi des coopératives certifiées Fairtrade est qu'elles ne vendent que 30 % ou moins de leurs produits aux conditions Fairtrade. Par conséquent, l'accès au marché et la connexion des entreprises à ces marchés sont des priorités absolues pour Fairtrade International.

« En tant que Fairtrade, nous avons un rôle à jouer en connectant les consommateurs et les coopératives et je pense que nous pouvons accomplir davantage ensemble » a-t-elle déclaré.

Chiyoge Sifa a parlé de CoopStar (Coopératives pour une transformation durable en Afrique), un projet visant à stimuler l'entrepreneuriat coopératif durable et transformateur en Afrique. Les partenaires du projet comprennent la Fédération coréenne des coopératives de crédit communautaire (KFCC), Cera/BRS, l'université belge KU Leuven et les bureaux régionaux mondiaux et africains de l'Alliance coopérative internationale (ACI et ACI-Afrique).

Dr Simel Esim, responsable de l'Unité de l'Économie coopérative, sociale et solidaire de l'OIT, a expliqué le rôle de l'OIT en tant qu'institution normative, en matière de statistiques notamment. 

Pour impulser le changement dans le secteur des transports, les coopératives doivent adopter les technologies, les partenariats stratégiques et le réseautage, et continuer à collaborer avec les gouvernements, les organismes africains et les Nations Unies pour y parvenir, a-t-elle ajouté.

L'OIT, en collaboration avec d'autres membres du COPAC, a mené quatre études qui ont ensuite servi à élaborer des lignes directrices sur les statistiques relatives aux coopératives. Ces lignes directrices ont été utilisées dans le cadre de projets pilotes menés dans différents pays. Les conclusions de ce projet pilote serviront à l'élaboration d'un manuel à l'intention des coopératives.

L'initiative vise non seulement à faciliter la collecte de données mais aussi à élaborer des normes adéquates et à encourager les bureaux nationaux de statistique, les chercheurs et les organisations faîtières à collaborer. L'AIC est l'occasion de poursuivre sur cette lancée, a déclaré Dr Esim.

Le professeur Axel Marx, directeur adjoint du Centre d'études sur la gouvernance mondiale de Louvain, KU Leuven, a évoqué les normes volontaires de durabilité (VSS) telles que Fairtrade qui ont connu une croissance rapide ces dernières années.

Elles sont de plus en plus intégrées aux accords de libre-échange et aux procédures de diligence raisonnable des entreprises.

Ses recherches ont révélé que les initiatives volontaires en matière de développement durable n'ont pas toujours d'impact.

Les coopératives jouent un rôle important, a déclaré le professeur Marx, en contribuant au renforcement des capacités des producteurs pour qu'ils apprennent à produire de manière plus durable en complément des normes volontaires de durabilité (VSS).

Le Dr Ilcheong Yi, coordinateur principal de recherche à l'Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social (UNIDRSE), à Genève, a soutenu que les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (cadres ESG) ne prennent pas en compte certaines questions et ne sont donc pas adaptés aux coopératives.

Les cadres conventionnels peuvent conclure à la durabilité d'une entreprise mais un reporting fondé sur des indicateurs fiables de durabilité peut apporter un regard nouveau.

« Les indicateurs authentiques peuvent contribuer à fournir une mesure claire et objective des valeurs et des principes, fondée sur des approches contextuelles. »

Ils permettent aux coopératives de rester fidèles à leurs valeurs et à leurs principes et de poursuivre leur croissance.

« Nous sommes fiers des coopératives car nous savons qu'elles accomplissent de bonnes actions au quotidien mais nous devons trouver un moyen de démontrer cet impact. Nous devons trouver des indicateurs performants, pertinents et progressistes pour démontrer la performance future des coopératives » a-t-il déclaré.

En conclusion de la table ronde, Sonja Novkovic a déclaré : « Sans recherche et sans éducation, nous n'irons pas loin. Nous devons également bénéficier d'une éducation authentique ».

rose panel

Panel IV.B Solutions fondées sur le marché par et pour les coopératives

Le deuxième panel de la quatrième séance plénière a présenté un éventail d'approches innovantes s'appuyant sur les principes coopératifs pour répondre aux défis économiques et technologiques. Cette session a permis de recueillir les points de vue de leaders de secteurs tels que la technologie, la finance et l'agriculture, mettant en lumière la manière dont les coopératives élaborent des stratégies fondées sur le marché et sur des valeurs d'équité et de durabilité.

Rose Marley, PDG de Co-operatives UK, a souligné l'importance de raconter des histoires coopératives convaincantes. Établissant un parallèle avec les Rochdale Pioneers, elle a cité la coopérative Equal Care comme exemple de la manière dont les coopératives abordent des problématiques contemporaines telles que l'accès aux soins et à l'alimentation. Elle a également insisté sur la nécessité d'une identité coopérative forte et d'une infrastructure de réseau pour bâtir un avenir économique plus juste.

Shatadru Chattopadhayay, de Solidaridad Network Asia, a évoqué la nécessité de rendre le commerce plus équitable, plus juste et plus durable. Il a souligné le rôle de l'action collective et des valeurs partagées dans la promotion de modèles commerciaux inclusifs, expliquant comment les coopératives locales indonésiennes ont contribué à établir des normes et une image de marque pour le thé, permettant aux petits producteurs d'être plus compétitifs sur le marché.

Puvan Selvanathan, président et fondateur de Bluenumber, a évoqué l'importance croissante des droits relatifs aux données. Il a présenté la solution d'identité numérique de Bluenumber, qui permet aux particuliers, notamment aux agriculteurs et aux membres des coopératives, de posséder et de monétiser les données qu'ils génèrent. Ainsi, les coopératives peuvent créer de la valeur et garantir l'authenticité tout en responsabilisant leurs membres.

Violette Nafpaktiti, PDG de DotCoop LLC, a souligné l'importance stratégique des noms de domaine et des plateformes comme Worldmap.coop pour améliorer la visibilité des coopératives et l'accès aux données, les aidant ainsi à se différencier et à accroître leur impact.

M. Wouter Vandersypen, directeur exécutif de Kampani, a expliqué comment l'organisation comble les déficits de financement en fournissant des capitaux patients et tolérants au risque pour les dépenses d'investissement. Kampani évite d'exiger des garanties tout en proposant des outils financiers sur mesure aux coopératives agricoles et aux petits producteurs en quête de croissance.

L'accès au capital constitue un défi majeur pour les coopératives technologiques, a affirmé Aaron Stewart, directeur général adjoint de Coop Exchange, une plateforme conçue pour faciliter le réinvestissement au sein de l'économie coopérative, notamment dans les secteurs numériques. M. Stewart a ajouté que les coopératives peuvent jouer un rôle clé en orientant les investissements vers l'économie verte.

Harm Haverkort, directeur des partenariats Asie-Pacifique chez Rabobank, a présenté Acorn, une plateforme numérique qui suit les données sur la biomasse et la croissance des arbres. Il a expliqué que, bien que la technologie existe, la connexion avec les petits exploitants agricoles reste un défi. Les coopératives, a-t-il déclaré, sont idéalement placées pour servir de passerelle, permettant une adoption plus large des solutions axées sur le climat et la collecte de données.

Photo principale : Cory Efram Doctorow avec Elsa Scholte, présidente de l'assemblée générale de l'ACI